Les oeuvres érotiques de Jacques Trovic

La vente aux enchères du 29 octobre 2022 chez Mercier à Lille* de l'oeuvre « Nu dans un intérieur » nous offre l'occasion d'approcher la place de ces oeuvres «  érotiques » dans le travail de Jacques Trovic.

Dominique naguet, le commanditaire de cette oeuvre aussi appellée « Le Nu au baldaquin », l'avait demandée à Jacques Trovic dont c'était semble-t-il le premier nu. Dominique Naguet est aujourd'hui décédé (1946-2020), il avait été Conseiller Principal d'Orientation au lycée technique Alfred Kastler de Denain, en plein pays minier et sidérurgique. Il avait organisé des expositions de l'artiste, notamment à Thonon Les Bains où Jacques Trovic s'était déplacé avec sa soeur. Comme il le fit quelquefois, Jacques Trovic a brodé sur l'envers de l'oeuvre avec un fil turquoise une dédicace touchante.

La couleur turquoise est celle de la feutrine qui constitue le mur du fond de la scène de la dame sous son baldaquin. Délicatesse du choix.

On connaît plusieurs nus de Jacques Trovic

Nous en avons quelques reproductions parfois mauvaises mais qui nous éclairent sur cette capacité de Jacques Trovic d'être semble-t-il assez naïf sur le sujet mais aussi de cultiver une certaine complicité avec le regardeur de l'oeuvre.

Dans cette tapisserie « Les Amants », les vêtements des partenaires sont impeccablement pliés et rangés et la posture de l'homme arrangée comme celle d'un personnage de chiffon dans une maison de poupée. Mais en même temps la jeune dame jambes en l'air, nous regarde tandis que sur le mur le soleil nous fait un clin d'oeil complice. Le jeu des regards qui appartient au code érotique est là en action. Cette fine compréhension des ressorts de ce langage appartient à l'artiste et en révèle la finesse. Elle nous dit aussi en quoi Jacques Trovic n'est pas seulement un artisan qui a bien assimilé par sa technique une forme d'art populaire, mais que sa pulsion créatrice opère ce saut qui fait qu'il s'agit bien d'une oeuvre et qu'il s'agit bien d'un artiste.

Notre perplexité atteint son comble devant l'oeuvre « Le Photographe et son modèle » datée de 1994. C'est sans doute la plus récente de ses oeuvres «  érotiques » sauf à mettre la « Danseuse de la revue de Paris** » (2009) dans cette catégorie . C'est par le biais de sa série sur les métiers que Jacques Trovic présente dans  les rushs de Jean Michel Zazzi la justification de cette oeuvre.
Il s'agissait pour lui de représenter le métier de photographe. Et effectivemment, comme dans ses autres oeuvres, la bordure arbore tous les outils nécessaires à cette profession. Mais que photographie le photographe ? Un homme noir, nu, orné de bijoux, le sexe en érection recouvert d'un préservatif dont Jacques Trovic nous précise qu'il a dû le recoudre déjà 2 fois... pièce fragile apparemment ! Il est installée sur une dentelle écrue. Jacques Trovic accordait à la dentelle un caractère précieux. Son utilisation dans ses tapisseries était le signe d'une valeur augmentée.

On peut penser que Jacques Trovic, en artiste avisé, sait que tous les grands créateurs ont eu une production érotique occulte ou déclarée. C'est donc en connaissance de cause qu'il va lui-même, en tant qu'artiste, s'y essayer, réussir et exhiber cette production spécifique. Dans un cliché de Dominique Rohart en 1996, on voit au mur de son étroite pièce cette oeuvre tranquillement exposée dans le cadre domestique.

Jacques Trovic est un artiste qui construit méthodiquement son oeuvre, et la catégorie « érotique » se devait d'en faire partie. Il s'y jette sans complexe puisqu'on le lui demande. Quand à la manière dont il représente cette intimité particulière, elle relève d'une espèce d'évidence sans fard qui appelle le mot « naïf ». Mais, paradoxe subtil, Jacques Trovic l'accompagne d'un esprit mutin qui nous pousse définitivement au sourire et à une tendre complicité.

Cliquer sur le nom des oeuvres pour les afficher dans une fenêtre popup

• Nu dans la chambre 1991
• Nu dans la Nature
• La nymphette et le photographe (dessin en couleurs)
• La Femme qui fait du yoga 1999

* La « vente cataloguée d’art du XXème siècle » a lieu chez Mercier, 14 rue des jardins, le samedi 29 octobre à partir de 14h15. L'oeuvre de Jacques Trovic datée de 1982, « Nu dans un intérieur » également appellée « le Nu au baldaquin » est mise à prix à 1500 / 2000€
Voir le catalogue sur le site web de la maison de ventes. Notre oeuvre est présentée page 31 du catalogue ( télécharger le catalogue 5,8 Mo).

** Un détail de cette oeuvre "La danseuse de la revue de Paris" est visible dans cet article du Blog des Solèls : Le jeu des connivences