Autour de l'oeuvre de Trovic

Une expo bienvenue, et une conférence...

En marge de l'exposition de 30 des oeuvres de Jacques Trovic sur les cimaises du TAMAT* de Tournai (en Belgique, du 23 septembre 2023 au [Edit : 28 janvier 2024 expo prolongée] 9 mars 2024), ce soir là, le 23 novembre 2023 était organisée la conférence "autour de l’oeuvre de Jacques Trovic". Des discussions croisées avec Aurélie Champion, Baptiste Brun, Robin Legge et Bruno Gérard ** que l'on reconnaîtra, de gauche à droite, sur les photos prises dans le patio du musée.

J'étais là pour vous ramener ces photos, et Francine Auger-Rey aussi était dans l'assistance, avec qui nous avons réalisé le film documentaire sur Jacques "Les Solèls de Trovic"... mais aussi pour entendre ces beaux échanges sur l'art de Trovic. Voilà ce que j'y ai entendu...

Sur l'oeuvre dite "brute", "naïve" de Jacques Trovic...

D'abord de la nécessité de qualifier l'art. Mais de quelle sorte d'art est celui de Trovic ? Nos intervenants rappellent le contexte de l'art brut "inventé" par Jean Dubuffet dans les années 1940, qui pour lui qualifie un art découvert et collecté hors des circuits habituels, il comprend l'art des fous, reclus dans les hôpitaux psychiatriques, et celui de marginaux de toutes espèces, développé dans la solitude par des créateurs qui n'ont pas appris, autodidactes et exempts de culture artistique...

Un art Naïf ? Brut ? Outsider ? Populaire ? "Raw Art" peut-être, voire contemporain ? Nous sommes en Belgique et Bruno Gérard soulignera aussi la lecture plus libre et plus détachée ici de cette notion d'Art Brut. La question est donc posée pour Jacques Trovic, en tous cas, 5 années après le décès de l'artiste, l'écriture de sa "légende" d'artiste est en marche.

On a évoqué sa production incroyable, on parle de 200, parfois même jusqu'à 400 oeuvres, en 50 années de carrière ! Et sa vie qu'il lance à corps perdu dès son plus jeune age, toute entière consacrée à créer son oeuvre, son travail acharné dans son antre anzinois, jusqu'à 20 heures par jour, tous les jours... On a souligné dans ses "tableaux" la composition tout aussi incroyable, fourmillante et joyeuse. Et aussi son application à gérer sa communication, son réseau, l'exposition et la vente de ses oeuvres. Robin Legge, comme Bruno Gérard, évoquera ses propres souvenirs de rencontre avec Jacques en soulignant sa sociabilité légendaire et son bon vivre que l'on ressent au détour de ses patchworks colorés...

... et de la personne qu'était Jacques.

Jacques Trovic n'était assurément pas cet artiste d'Art Brut emmuré dans la solitude. On parlera de sa soeur Josiane qui sera son assistante de toujours et participera activement à la création de ses oeuvres, comme de sa mère certainement à l'origine de cette vocation d'artiste. Il n'était pas non plus indemne de culture artistique, même de santé faiblarde et peu scolarisé, on rappelle qu'il a suivi des cours aux beaux arts de Saint-Amand-les-eaux. La télévision, allumée en permanence chez lui, les catalogues et les magazines, les cartes postales... seront ses sources d'inspiration pour la création de son oeuvre pour le moins singulière.

L'évocation des dernières années de sa vie au centre de La Pommeraie, qu'animait à l'époque Bruno Gérard, est l'occasion de parler du handicap physique ou mental dont souffrent les résidents du centre. Leur production graphique ou plastique fait-elle d'eux, ou d'autres dans leur cas, des artistes ? Pas spécialement. Cela dépend du regard que l'on porte, que la société porte, à leur peut-être oeuvre qu'il faut d'abord découvrir et considérer comme étant d'art.

Mais c'est Baptiste Brun qui nous le rappelle fermement : Jacques, dont certes on ne peut pas dire que la santé était vaillante, et il l'évoquait facilement dans sa correspondance vers ses amis et relations de son réseau, ne souffrait pas réellement de handicap ni de problèmes d'ordre psychiatrique. On pourrait dire que sa maladie était son handicap, mais son art est le sien, sa création volontaire, sans conteste.

* TAMAT : centre de la Tapisserie, Arts Muraux et Arts du Tissu de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Place Reine-Astrid 9 B-7500 Tournai, Belgique

** Aurélie Champion : Directrice de TAMAT à Tournai (Belgique). Auparavant responsable des projets Arts Visuels à la Malterie de Lille, documentaliste, chargée des acquisitions au centre Pompidou, Paris.
Baptiste Brun : Enseignant chercheur en histoire de l’art contemporain à l’Université Rennes 2, chercheur en délégation au CNRS, au sein du laboratoire InVisu (Paris, INHA), commissaire d’expositions et auteur de plusieurs ouvrages autour de la création contemporaine et de l’Art Brut.
Robin Legge : Professeur d'histoire de l'art, actualité des arts et esthétique à l'ESA Académie des Beaux-Arts de Tournai, co-commissaire de l’exposition "Jacques Trovic. Un humaniste, témoin de son temps" au TAMAT en 2023-24. Auparavant chargé de projets, responsable des collections et du centre de documentation au Centre de la Marionnette de la Communauté Francaise de Belgique à Tournai, Gestionnaire des collections et archives de la Fondation Paul Duhem à Quevaucamps, Beloeil en Belgique.
Bruno Gérard : de la fondation Paul Duhem, co-commissaire de l’exposition "Jacques Trovic. Un humaniste, témoin de son temps" au TAMAT en 2023-24. Notamment animateur de l'atelier d'art au centre de la Pommeraie qui accueilli Jacques Trovic à la fin de sa vie.

Allez donc voir l'exposition à Tournai jusqu'au [Edit : 28 janvier 2024 expo prolongée] 9 mars 2024 !
Rendez vous est pris pour la projection de notre film au musée TAMAT de Tournai, le [ Edit : 7 janvier 2024 à 14h30 Nouvelle date : ] 15 février 2024 à 18h30...

L'agenda des Solèls : toutes les infos sur les projections du film
A propos de ce cadre vu à l'expo TAMAT, toute l'histoire de cette reproduction dans "Au Nord, du soleil"